Fille de Zeus ou de Cronos, Aphrodite, déesse de l’amour et assimilée à la déesse latine Vénus, inspira la passion amoureuse aux mortels comme aux dieux. Sans doute à l’origine une divinité orgiaque de la fertilité venue du Proche-Orient, elle est devenue, en abordant les îles grecques, la douce déesse de l’amour et des plaisirs.

La naissance de Vénus, détail

Le doux visage d’Aphrodite par Botticelli, La Naissance de Vénus, détail

La Naissance d’Aphrodite

La version a plus captivante de la naisance d’Aphrodite nous vient de la Théogonie d’Hésiode.

Lorsque Cronos, armé par sa mère Gaïa-la-Terre de la faucille de fer, castra son père, des gouttes de sang tombèrent sur le ventre de sa mère la Terre et les trois déesses de la vengeance, les Erynnies, naquirent de ce sang. Puis il lança au loin le sexe de son père qui retomba au milieu de la mer (certains parlent du cap Drepanon au nord-ouest de la Sicile, au pied du mont Eryx). Les vagues entourèrent le sexe du dieu et l’écume se mêla à la semence. Il en naquit Aphrodite, la blonde déesse, "à la belle couronne", comme la qualifie Homère. Le nom d’Aphrodite signifie "née de l’écume de la mer".

Emportée par Zéphyr, elle toucha l’île de Cythère, dont le nom, de nos jours encore, évoque les plaisirs, puis gagna l’île de Chypre. Sous ses pieds, l’herbe grandissait. Elle était accompagnée de l’Amour et du Désir. Du nom des deux îles qu’elle aborda, on l’appelle parfois Cythérée ou Cyprogénie.

Voici comment Hésiode la dépeint :

"Cronos mutila de nouveau avec l’acier le membre qu’il avait coupé déjà et le lança du rivage dans les vagues agitées de Pontus : la mer le soutint longtemps, et de ce débris d’un corps immortel jaillit une blanche écume d’où naquit une jeune fille qui fut d’abord portée vers la divine Cythère et de là parvint jusqu’à Chypre entourée de flots. Bientôt, déesse ravissante de beauté, elle s’élança sur la rive, et le gazon fleurit sous ses pieds délicats. Les dieux et les hommes appellent cette divinité à la belle couronne Aphrodite, parce qu’elle fut nourrie de l’écume des mers ; Cythérée, parce qu’elle aborda Cythère, Cyprigénie, parce qu’elle naquit dans Chypre entourée de flots et Philomédée, parce que c’est d’un organe générateur qu’elle reçut la vie. Accompagnée de l’Amour et du beau Désir, le même jour de sa naissance, elle se rendit à la céleste assemblée. Dès l’origine, jouissant des honneurs divins, elle obtint du sort l’emploi de présider, parmi les hommes et les dieux immortels, aux entretiens des jeunes vierges, aux tendres sourires, aux innocents artifices, aux doux plaisirs, aux caresses de l’amour et de la volupté."

L'Embraquement pour Cythère, détail

La sensualité mélancolique de Watteau, l’Embarquement pour Cythère, détail

Selon Homère, Aphrodite est fille de Zeus. Il lui donne pour mère Dioné, qui est pour certains, est une Océanide, fille d’Océanos et de Thétys, et, pour d’autres, une Titanide, fille de Gaïa et d’Ouranos. Le nom de Dioné signifie "la déesse". Ainsi, l’honneur du dieu des dieux était sauf : la puissante Aphrodite, qui inspirait aux hommes et aux divinités la passion sexuelle, se trouvait ainsi "vassale" de Zeus par sa filiation.

Seules trois déesses ne succombèrent jamais aux enchantements d’Aphrodite : Athéna, Artémis et Hestia qui, jamais, ne s’unirent à aucun dieu ni à aucun mortel.

Cette double origine d’Aphrodite inspira à Socrate (à travers la plume de Platon, dans le Banquet) l’idée qu’il y eût deux Aphrodite, l’Aphrodite Ouranienne, fille du ciel et déesse de l’amour pur, et l’Aphrodite populaire, celle qui inspire le désir. Quoi qu’il en soit de sa naissance, c’est plutôt à l’Aphrodite populaire que se rapportent les légendes qui la mettent en scène.

Parmi les textes les plus anciens qui se rapportent à Aphrodite, nous ne pouvions résister à cet hymne composé par la poétesse Sappho qui fut, plus que tout et toute autre, inspirée par la déesse :

"Immortelle Aphrodite au trône brillant, fille de Zeus, noueuse de ruses, je t’en prie, ne brise pas mon âme sous l’angoisse et la douleur. Mais viens à ma prière, si jamais tu as entendu ma voix au loin, et écoute, et quitte le palais d’or de ton père sur ton char attelé. Qu’une nuée de charmants moineaux t’amènent, agitant leurs ailes rapides autour de la terre sombre, depuis le paradis jusqu’au milieu du ciel. Ils sont tôt arrivés et toi, bénie, souriant à la manière des immortels, tu me demandes ce qui s’est abattu sur moi et pourquoi je t’appelle et ce que, dans mon coeur affolé, je désire le plus voir. "Quelle beauté veux-tu maintenant conduire à t’aimer ? Qui te tourmentes, Sappho ? Même si maintenant elle fuit, elle te suivra bientôt, et si elle rejette les cadeaux que tu lui offres, et si elle ne t’aime pas, elle t’aimeras bientôt, quand bien même elle hésite". Viens, je t’en prie, dès maintenant, et soulage moi de ces cruels soucis. Et que tout ce que mon coeur désire voir accompli soit accompli par toi, et soit mon alliée."

Les légendes d’Aphrodite

Aphrodite quitta Cythère pour l’île de Chypre, à Paphos, où les Heures, les trois filles de Zeus et de sa seconde épouse, la titanide Thémis, l’accueillirent et la parèrent. C’est à Cythère et à Chypre que se trouvaient les plus anciens sanctuaires à la déesse. On peut penser que des populations venant du Moyen ou du Proche-Orient (probablement de Syrie, puisqu’une légende parle d’un roi syrien à Chypre) et qui adoraient une déesse de la fertilité aux caractéristiques proches d’Aphrodite, s’étaient installées dans ces îles.

Aphrodite possédait une ceinture magique : la femme ou la déesse qui la portait inspirait un désir impérieux à ceux qui la voyaient. Ainsi, dans l’Iliade, Homère raconte qu’Héra, épouse de Zeus, emprunta par ruse sa ceinture à Aphrodite, afin de conduire son époux aux plaisirs de la chair et de l’endormir. Poséidon put alors rejoindre le siège de Troie et secourir le clan grec.

Les Grecs donnent à la plus belle des déesses le mari le plus laid : Héphaïstos, le dieu boîteux des forgerons (Vulcain dans la trminologie latine). Mais ses amours avec le séduisant dieu des combats Arès sont célèbres. Citons Homère, qui conte cette histoire au Chant VIII de l’Odyssée (traduction adaptée de celle de Lecomte de Lisle) :

… l’Aède commença de chanter admirablement les amours d’Arès et d’Aphrodite à la belle couronne, comment, pour la première fois, ils s’unirent dans la demeure de Héphaïstos…

… Arès offrit de nombreux cadeaux pour séduire Aphrodite, et c’est ainsi qu’il déshonora la couche du dieu Héphaïstos. Hélios, le soleil, les avait vus s’unir, et, aussitôt, vint l’annoncer à Héphaïstos, qui entendit là de cruelles paroles. Puis, roulant en lui-même sa vengeance, il se hâta vers sa forge.

Ayant dressé une grande enclume, il forgea des liens qui ne pouvaient être ni rompus, ni dénoués. Après avoir achevé cette trame pleine de ruse, il se rendit dans la chambre nuptiale où se trouvait son cher lit. Et il suspendit de tous côtés, en cercle, ces liens qui tombaient des poutres autour du lit comme des toiles d’araignée que nul ne pouvait voir, pas même les Dieux bienheureux. Ce fut ainsi qu’il ourdit sa ruse. Et, après avoir enveloppé le lit, il feignit d’aller à Lemnos, ville bien bâtie, celle de toutes qu’il aimait le mieux sur la terre. Arès au frein d’or le surveillait, et quand il vit partir l’illustre ouvrier Héphaïstos, il se hâta, dans son désir d’Aphrodite à la belle couronne, de se rendre à la demeure de l’illustre Héphaïstos. Aphrodite, revenant de voir son tout-puissant père Zeus, était assise. Et Arès entra dans la demeure, il lui prit la main et lui dit :

– Allons, chère, dormir sur notre lit. Héphaïstos n’est plus ici ; il est allé à Lemnos, chez les Sintiens au langage barbare.

Vénus et Mars surpris par Vulcain

Vénus et Mars surpris par Vulcain, par le Tintoret. Mars (Arès), casqué, est caché sous la table. Cette scène, vaguement scabreuse, fait écho à la légende contée par Homère.

Il parla ainsi, et il sembla doux à la déesse de lui céder. Ils montèrent sur le lit pour y dormir, et, aussitôt, les liens habilement disposés par le subtil Héphaïstos les enveloppèrent. Ils ne pouvaient ni mouvoir leurs membres, ni se lever, et ils reconnurent alors qu’ils ne pouvaient fuir. L’illustre boiteux des deux pieds approcha, car il était revenu avant d’arriver à la terre de Lemnos, Hélios ayant veillé pour lui et l’ayant averti. Il rentra dans sa demeure, affligé en sa chère poitrine. Il s’arrêta sous le vestibule, où une violente colère le saisit, et il cria si horriblement que tous les dieux l’entendirent :

– Père Zeus, et vous, dieux bienheureux qui vivez éternellement, venez voir des choses honteuses et intolérables. Moi qui suis boiteux, la fille de Zeus, Aphrodite, me déshonore, et elle aime le pernicieux Arès parce qu’il est beau et qu’il ne boite pas. Si je suis laid, certes, je n’en suis pas cause, mais la faute en est à mon père et à ma mère qui n’auraient pas dû m’engendrer. Voyez comme ils sont couchés unis par l’amour. Certes, en les voyant sur ce lit, je suis plein de douleur, mais je ne pense pas qu’ils tentent d’y dormir encore, bien qu’ils s’aiment beaucoup ; ils ne pourront s’unir, et mon piège et mes liens les retiendront jusqu’à ce que son père m’ait rendu toute la dot que je lui ai livrée à cause de sa fille aux yeux de chien, parce qu’elle était belle.

Il parla ainsi, et tous les Dieux se rassemblèrent dans la demeure d’airain. Poséidon qui entoure la terre vint, et le très utile Hermès vint aussi, puis le royal archer Apollon. Les d éesses, par pudeur, restèrent seules dans leurs demeures. Et les dieux qui dispensent les biens étaient debout dans le vestibule. Et un rire immense s’éleva parmi les dieux heureux quand ils virent l’ouvrage du prudent Héphaïstos ; et, en le regardant, ils disaient entre eux :

– Les actions mauvaises ne valent pas la vertu. Le plus lent a atteint le rapide. Voici que Héphaïstos, bien que boiteux, a saisi, par sa science, Arès, qui est le plus rapide de tous les dieux qui habitent l’Olympe, et c’est pourquoi il se fera payer une amende.

Ils se parlaient ainsi entre eux. Et le dieu Apollon, fils de Zeus, dit à Hermès :

– Messager Hermès, fils de Zeus, qui dispense les biens, certes, tu voudrais sans doute être enveloppé de ces liens indestructibles, afin de coucher dans ce lit auprès d’Aphrodite d’or ?

Le messager Hermès lui répondit aussitôt :

– Plût aux dieux, ô royal archer Apollon, que cela arrivât, et que je fusse enveloppé de liens trois fois plus inextricables, et que tous les dieux et les déesses le vissent, pourvu que je fusse couché auprès d’Aphrodite d’or !

Il parla, ainsi, et le rire des dieux Immortels éclata. Mais Poséidon ne riait pas. Il suppliait l’illustre Héphaïstos de délivrer Arès. Il lui disait ces paroles ailées :

– Délivre-le, et je te promets qu’il te satisfera selon ton désir, comme il convient entre dieux immortels.

L’illustre ouvrier Héphaïstos lui répondit :

– Poséidon qui entoures la terre, ne me demande pas cela. Les cautions des mauvais sont mauvaises. Comment pourrais-je te contraindre, parmi les dieux immortels, si Arès échappait à sa dette et à mes liens ?

Poséidon qui ébranle la terre lui répondit :

– Héphaïstos, si Arès reniait sa dette et prenait la fuite, je te la paierai moi-même.

L’illustre boiteux des deux pieds lui répondit :

– Il ne convient pas que je refuse ta parole, et cela ne sera pas.

Ayant ainsi parlé, Sa Force Héphaïstos rompit les liens. Et les deux amants, libres des liens inextricables, s’élancèrent aussitôt dans les airs, Arès pour la Thace, et Aphrodite qui aime les sourires à Chypre, près de Paphos, là où se trouvent ses bois sacrés et ses autels parfumés. Là, les Charites la baignèrent et la parfumèrent d’une huile ambroisienne, comme celle qui convient aux dieux immortels, et elles la revêtirent de vêtements précieux, admirables à voir.

De honte, après Paphos, Aphrodite se retira dans les forêts du Caucase. Les dieux la cherchèrent longtemps, puis la trouvèrent sur l’indication d’une vieille femme qu’Aphrodite aussitôt transforma en rocher. Car il ne faisait pas bon irriter la vindicative déesse !

Hésiode, Théogonie :

Épouse du dieu Arès qui brise les boucliers, Cythérée (Aphrodite) engendra la Fuite et la Terreur, divinités funestes qui dispersent les épaisses phalanges des héros et parmi les horreurs de la guerre secondent la fureur d’Arès, ce destructeur des villes ; elle enfanta aussi Harmonie, que le magnanime Cadmus choisit pour épouse.

Pour Hésiode, c’est la plus jeune des Grâces, filles de Zeus, qu’eut pour épouse Héphaïstos, le dieu-forgeron difforme et boiteux, fils d’Héra.

Aphrodite se vantait d’avoir inspiré aux dieux de l’amour pour les femmes mortelles et de leur avoir fait naître des enfants sujets à la vieillesse et à la mort, alors qu’eux-même, nourris du nectar et de l’ambroisie, connaissaient jeunesse et vie éternelles. C’est pourquoi Zeus inspira à la belle déesse le désir pour le prince troyen Anchise… ainsi que le raconte Homère dans un hymne…

Lien vers l’Hymne Homérique à Aphrodite

Aphrodite dans l’Iliade

Ayant été l’amante d’Anchise et mère d’Énée, prince troyen, Aphrodite prit le parti des Troyens contre les Grecs lors de la guerre de Troie. Elle protégea son fils Énée dans la bataille et fut blessée par le guerrier grec Diomède. Emportée vers l’Olympe par Iris dans le char d’Arès, elle fut soignée par sa mère. Diomède eût été tué par Arès s’il n’avait pas été protégé par Athéna, amie des Grecs. Et, malgrè l’affront fait à Aphrodite, il rentra vivant et heureux de la guerre de Troie.

Arès et Anchise ne furent pas ses seuls amants. Aphrodite en eut de nombreux, qu’elle choisissait de préférence parmi les dieux. Elle s’unit à Hermès (et en conçut Hermaphrodite, créature à la fois homme et femme), à Poséidon, à Hélios le soleil, à Dyonisos… Mais sa passion la plus brûlante fut celle qu’elle voua à Adonis (l’histoire est plus connue sous le nom de "Vénus et Adonis"). Avec Anchise, Adonis fut le seul mortel qu’elle aima, du moins d’après les légendes que nous connaissons.

Son animal emblématique était la colombe, et comme les fleurs poussaient sous ses pieds quand elle marchait, les Latins ont assimilé Aphrodite à leur déesse des jardins, Vénus.