Fille de Persès et d’Astéria (voir notre page sur les Titans et les Titanides), et donc de la race des Titans, Hécate est restée une divinité majeure sous le règne de Zeus. Bienveillante selon les uns, magicienne redoutée selon les autres, jamais citée dans l’Iliade ni dans l’Odyssée, Hécate est l’une des divinités les plus mystérieuses du Panthéon grec.

Hécate

Hécate, souvent représentée comme une triple-déesse.

Le texte le plus ancien évoquant Hécate est sans doute l’Hymne homérique à Déméter. L’auteur de ce poème évoque l’enlèvement de Pérséphoné, fille de Déméter, par le dieu des Enfers, Hadès.

Hécate fut la première divinité à assister Déméter, déesse des saisons et des moissons, lorsqu’elle recherchait sa fille sur la terre et sur les eaux. Et, lorsque la jeune déesse fut rendue à sa mère pour les deux tiers de l’année, selon l’ordre de Zeus, Hécate l’accueillit et devint sa compagne favorite.

Un siècle plus tard, très approximativement, Hésiode cite abondamment Hécate dans sa Théogonie. Il la présente comme la petite-fille des titans Cryos et Eurybié par Persès et de Coeos et Phoebé par Astéria. Il lui consacre pas moins de 41 vers pour affirmer qu’elle fut honorée par Zeus, qu’elle conserva ses prérogatives après la prise de pouvoir de celui-ci sur les Titans (voir notre page sur la Cosmogonie d’après Hésiode) et pour détailler tous ses privilèges :

Devenue enceinte, Astéria donna l’existence à Hécate, que Zeus, fils de Cronos, honora entre toutes les déesses : il lui accorda de glorieux privilèges et lui permit de commander sur la terre et sur la mer stérile. Déjà, sous Ouranos couronné d’étoiles, elle avait obtenu cet emploi et jouissait des plus grands honneurs parmi les dieux immortels. Aujourd’hui, lorsqu’un des hommes, enfants de la terre, célèbre, selon l’usage, des sacrifices expiatoires, c’est Hécate qu’il invoque, et soudain la céleste faveur environne le suppliant dont la bienveillante déesse accueille les prières ; elle lui prodigue la richesse, car elle en a le pouvoir. Tous les privilèges partagés entre les nombreux enfants de la Terre et d’Ouranos, elle seule les réunit. Le fils de Cronos ne lui a ni dérobé ni arraché aucune des prérogatives qui lui échurent sous les Titans, ces premiers dieux ; elle conserve tout entière la part d’autorité qu’elle obtint dans l’origine. Fille unique, elle n’est ni moins respectée ni moins puissante sur la terre, dans le ciel et sur la mer ; son pouvoir est encore plus vaste, parce que Zeus l’honore. Quand elle veut favoriser un mortel, elle l’assiste avec empressement, et, selon sa volonté, elle le fait briller dans l’assemblée des peuples, lorsque les hommes s’arment pour le combat meurtrier, c’est elle qui, à son gré, se hâte de lui accorder la victoire et de prodiguer la gloire au vainqueur. Aux jours où l’on rend la justice, elle s’assied auprès des rois vénérables. Si elle voit des rivaux lutter dans l’arène, toujours propice, elle vient les encourager et les secourir ; l’athlète vainqueur par sa force et par sa constance mérite promptement un prix magnifique, et transporté d’allégresse, couvre de gloire sa famille. Quand elle le veut, elle protège les écuyers qui montent sur les chars ; également favorable aux navigateurs qui affrontent le trajet difficile de la mer azurée, elle exauce les voeux qu’ils adressent à Hécate et au bruyant Poséidon : cette illustre déesse leur procure aisément une abondante proie ou ne la leur montre que pour les en dépouiller si tel est son désir. Occupée avec Hermès à multiplier dans les étables les boeufs, les agneaux, les nombreux essaims de chèvres et de brebis à la toison épaisse, elle peut, comme il lui plaît, accroître ou diminuer les troupeaux. Rejeton unique de sa mère, elle vit comblée d’honneurs parmi tous les Immortels. Le fils de Cronos la chargea encore d’élever et de nourrir les humains qui, après elle, devaient voir la lumière de l’aurore au loin étincelante. Ainsi, dès le principe, elle devint la nourrice des enfants : tels sont ses nobles emplois.

Hésiode fait donc d’Hécate une divinité généralement bienveillante, du moins quand on l’invoque, et certainement très puissante.

Par contre, elle n’est jamais citée dans l’Iliade, ni dans l’Odyssée. Et pourtant, que ce soit dans l’une ou dans l’autre histoire, les héros auraient eu maintes fois l’occasion de l’invoquer, tant pour la victoire dans les batailles que lors des vicissitudes que traversa Ulysse.

Il n’est pas non plus fait mention d’Hécate jusqu’au IVe siècle avant JC, dans deux comédies d’Aristophane, les Grenouilles et les Femmes. Là, il évoque une fille d’Hécate nommée Empuse, sorte de vampire femelle, très proche de la créature évoquée dans le Talmud, Lilith. On passe étrangement d’une déesse bienveillante à la génitrice d’une créature monstrueuse…

Plus tard, c’est dans l’aventure de Jason et des Argonautes, écrite par Apollonios de Rhodes au IIIe siècle avant JC, que nous retrouvons Hécate : elle était la grande divinité de Colchide, et la magicienne Médée en était une prêtresse, "instruite par Hécate elle-même dans l’art des enchantements". Ainsi, Hécate est devenue déesse magicienne et, sans qu’il soit fait mention du moindre acte "déshonorant" de la part d’Hécate, les exactions qu’accomplira Médée par la suite participeront à la réputation de la déesse, au point qu’elle apparaisse comme maîtresse des trois immondes sorcières du Macbeth de Shakespeare.

Hécate était également honorée à Égine où, dit-on, Orphée lui-même institua des mystères à la déesse. Elle était représentée en statue à trois têtes dans les carrefours, qui étaient considérés par le grecs comme des lieux magiques. Mais, comme pour les Titans ses aïeux, il est difficile de trouver des représentations de cette déesse crainte entre toutes.